Témoignages
Anthony Maintenant je demande au maximum de se voir en vrai. Par message c’est possible, mais y a pas le feeling. Les gens oublient qu’ils ont besoin d’autres choses que les réseaux sociaux, qui sont quand même très superficiels. Se faire coter par les gens continuellement. Malaise. À force de parler avec tout le monde, on perd la confiance, on devient méfiants, agressifs.
Georges Accueillir la vie aujourd’hui c’est tout prévoir. Trouver une crèche avant même d’avoir conçu le bébé. Il n’y a plus de spontanéité. La santé physique et la santé mentale, c’est lié. Attendre agit sur notre santé mentale.
Nora Je suis assistante sociale et je vois comment le temps s’est transformé avec le numérique. Les délais ne sont plus ceux des humains, mais des machines. On ressent l’immédiateté et l’urgence au quotidien, c’est à devenir dingue. Ça ne s’arrête jamais. Il y a une culpabilité toujours présente, qui nous use. C’est un contexte anxiogène, angoissant. L’insécurité est constante, car paradoxalement on est toujours nous aussi en train d’attendre la réponse. Les délais de traitement peuvent être très longs, on n’a presque plus de possibilité de s’informer en parlant avec un humain. « Et si le bénéficiaire, à qui je viens de créer une adresse mail pour envoyer sa demande, reçoit la réponse, mais qu’il n’ouvre pas sa boîte mail et que le délai de réponse est dépassé ? Est-ce que je dois ouvrir moi-même sa boîte mail ? » La charge mentale est énorme, tant pour nous que pour le public.
Laura Sur zoom et autres, il n’y a aucun partage d’énergie, de good vibes, d’émotions.
Meimouna Un jour on va plus voir personne ? Plus parler à personne c’est pas une vie ! Ça va arriver ! La solitude ça va être une maladie. Il faut penser avec les gens, avec tout le monde. Sinon la vie n’a pas de sens.
Art. 7.3
Droit de vivre à un rythme humain et à une échelle humaine, droit à l’improvisation, à la spontanéité, à la créativité du quotidien, à la lumière naturelle…
Commentaires
Je suis biologiste. Plein d’études le montrent : si tu mets un enfant devant du numérique et que tu ne le nourris qu’avec ça, il va être raciste et sexiste parce que c’est ce qui domine sur les réseaux sociaux. C’est très différent d’être confronté à des remarques racistes ou sexistes en vrai. Ou d’en faire. La réalité, elle, n’est pas créée à partir de nos likes. Elle ne nous fait pas croire que ce qu’on dit est normal. Sur internet, on se confronte peu à la réaction directe des gens. On crée de la distance avec nos contacts sensoriels et sensuels, avec le monde. Pourtant on a l’impression d’être dans le vrai monde. Notre cerveau est fragile par rapport au numérique.
Vous avez mis le droit à vivre à un rythme humain etc., est-ce qu’on ne peut pas ajouter là le droit à la lumière naturelle ? Parce que le problème avec le numérique est que l’écran supporte mal le soleil. Donc quand on travaille numériquement, ça nous force à être loin de la lumière naturelle. Je pense que ça peut vraiment provoquer des problèmes de santé. Quand on était en télétravail, il y a des gens qui se sont retrouvés avec un problème de vitamine D très concret.