Témoignages
Sonia Les outils numériques de l’école sont-ils évalués ? Y a-t-il une évaluation critique ? On rajoute des couches de médiation numérique. Mais quels sont les avantages de tout cela ? Préparer les enfants au numérique ? Mais il est déjà partout ! Comment nos enfants développent-ils la motricité fine quand ils apprennent à écrire sur une tablette ? Avec les applications de l’école, Bingel par exemple, les professeurs peuvent voir en direct si les enfants ont fini leurs devoirs. C’est pas de la surveillance ça ? Au final à qui ça profite tout ça ? Aux professeurs qui ne doivent plus attendre ? Est-ce que ça leur facilite vraiment leur travail ?
Anthony Paradoxalement, à côté de mon addiction, cette question : pourquoi je dois toujours passer par internet ? Pourquoi je peux pas juste sortir et parler avec quelqu’un ? Être surconnectés ça nous déconnecte. Internet devrait être une plateforme et pas une vie secondaire. Même pour trouver un emploi, un logement, avoir une aide sociale, c’est devenu indispensable. Si tu passes pas par là, tu perds des opportunités.
Leïla À l’école en 10 ans, on a vu le numérique s’imposer. C’est même aujourd’hui un axe important de la réforme de l’enseignement « le Pacte pour un enseignement d’excellence ». Les écoles, en « plan de pilotage », ont donc l’obligation de développer le numérique. Tout cela, sans jamais avoir pris le temps de réfléchir, de se demander si cela était vraiment utile, tant pour les élèves que pour les profs. Tout cela sans se soucier du prix exorbitant, financier, mais aussi sur la santé physique et mentale des enfants et des travailleurs. Sollicitations constantes, dédoublement, déstructuration des horaires de travail, difficulté de concentration, problèmes de sommeil, relations sociales, fatigue… Les conséquences sont multiples et démontrées scientifiquement. Éthiquement aussi cette « évolution » est problématique puisque tout cela est mis en place sans le consentement des personnes ! (création d’adresse mail, diffusion de données personnelles sur les applications…) Aucun contrôle démocratique des travailleurs et des usagers ! Dans des écoles on ne peut plus ouvrir les fenêtres, il pleut en classe, il n’y a pas de chauffage, mais nous sommes équipés de TB (tableaux interactifs). Cherchez l’erreur…
Anaïs Je travaillais avec des jeunes, dans une AMO. On entend des faits de harcèlement, des photos intimes diffusées… On fait du suivi et de la prévention. Puis on a commencé à faire des ateliers « IN » et des ateliers « OUT », liés au numérique. C’est-à-dire « in » et « out » du numérique. Les « OUT » c’était des camps avec téléphones non admis. Le premier jour du camp, je croyais être avec des robots ! C’est vrai qu’il y a beaucoup de partage d’infos sur le net, y compris pour des sujets plus intimes comme la sexualité, le désir. Mais là, justement, je me suis rendu compte que ce qui touchait au sensible, au sensoriel et donc aussi à la sexualité, était très peu intégré par ces jeunes dans la réalité.
Céline Mes deux enfants ont décroché au niveau scolaire à cause des visioconférences. « La seule chose chouette à l’école, c’est de voir les copains. Si on nous enlève ça ? »
Guillermo Le numérique dévalorise souvent l’expérience. Il y a un effet de vérité, lorsque par exemple une montre connectée affiche des paramètres. Ils semblent plus vrais que n’importe quelle expérience de son propre corps.
Julie Le rapport passif à l’écrit et à l’image influe sur le corps et sur l’oral. À cause de la sédentarité, et aussi parce que tout passe par messagerie, il n’y a plus d’échanges téléphoniques. Il y a aussi un bombardement de stimuli en permanence, ça fait perdre la concentration.
Eva Pendant le confinement, dans notre association, on a développé un service psy pour les jeunes. Ils font des insomnies, ils sont happés, ils ne dorment plus. Les jeunes se sont retrouvés tout seuls. Je l’ai vu dans ma propre famille, avec les cours en ligne. Il y a aussi la question du harcèlement scolaire, ça continue même à la maison. Pour les jeunes, le retour à l’école après le Covid a été super dur. Il y a une terreur de retrouver la vraie vie, beaucoup de phobies scolaires. C’est comme le télétravail en fait. Certains collègues ne veulent pas revenir. C’est un peu cliché, mais je remarque que ce sont ceux qui sont le plus déprimés. C’est cliché, mais c’est vrai.
Adèle Une maman me dit que sa fille est devenue accro à l’application de devoirs de son école. Elle a 6 ans. Je lui demande comment ça se fait. Elle m’explique que chaque fois que sa fille finit bien un travail, elle reçoit de la monnaie virtuelle et ensuite elle peut acheter des habits ou d’autres choses pour ses avatars. Ça me pose beaucoup de questions. Déjà sur l’addiction. Mais aussi sur la récompense. Il y a plein de choses chiantes qu’on est obligé de faire dans la vie, mais c’est pas grave en fait, c’est comme ça. Pourquoi partir du principe qu’il faut absolument rendre tout ludique ?! On ne fait plus confiance aux enfants ?
Art. 5.2
Pour soutenir l’autonomie, la confiance et le bien-être des élèves, l’enseignement obligatoire doit mettre en place un usage proportionné du numérique et maintenir l’apprentissage grâce à son propre corps non connecté (motricité fine…). L’école doit justifier l’utilisation du numérique sauf si c’est l’objet du cours (ex. : cours d’informatique).
- L’école doit enseigner l’utilisation inventive et libre des outils numériques. Mais aussi la compréhension des enjeux techniques, économiques, sociaux, etc. qui y sont liés.
Commentaires
Il faut ouvrir une option informatique qui permette de développer ses compétences et son regard critique.
L'institution scolaire a le devoir de protéger les travailleurs et travailleuses de ce service public, ainsi que les élèves, contre une utilisation nocive du numérique.
Il faut limiter le numérique à l’école pour préserver notre santé physique et mentale.
Les problèmes :
- des horaires scolaires déstructurés (travaux le week-end, à 6 h du mat, quand on est malade)
- inégalité scolaire : tout le monde n’a pas d’ordi, évaluations/devoirs à distance, les infos communiquées sur Teams et pas en classe
- augmentation de la charge de travail
- non-respect de la vie privée
- partage de données sans notre consentement
- abus de pouvoir de certains profs
- alimente le décrochage scolaire
- fatigue (ex : yeux, mental…)
- peur de rater quelque chose
- pas d’apprentissage sur les outils numériques
Solutions :
- limiter l’utilisation
- cadrer
- demander le consentement aux élèves et aux parents
Si l’école forme de futurs travailleurs alors l’usage du numérique peut être au centre de l’apprentissage. Si l’école forme de futurs citoyens aptes à réfléchir par eux-mêmes, alors le numérique doit être limité, mais expliqué en profondeur.
On est d’accord sur le fait qu’il faut des options informatiques afin qu’on s’intègre dans la société.
L’informatique ne peut pas devenir une option si plus tard le numérique est instauré partout.
Il faut proposer une option numérique dans toutes les écoles, et qui soit la même partout. Cela permettrait aux élèves d’avoir le choix, mais aussi d’avoir accès à toutes les données nécessaires pour l’avenir, qui sera essentiellement basé sur le numérique. En conclusion, permettre à l’élève d’avoir le choix.
Il faudrait pouvoir choisir d’aller ou non dans une option informatique. Si les écoles vont de plus en plus vers le numérique, il faut aussi former les professeurs.
Chaque personne à l’école devrait avoir la possibilité d’apprendre à utiliser le numérique.