Témoignages

Adèle Il y a le virus dans le corps, mais aussi le virus informatique. Quand on informatise le système d’un hôpital, c’est un gros risque. Le hacking est une réelle menace, un outil puissant et dangereux.

Olivier En France il y a une pénurie de médecins. C’est aussi politique. On a cassé l’hôpital. On se rend compte qu’il n’y a plus de médecin et on se sert du numérique pour parer à la perte médicale. On externalise la médecine dans un objet numérique. On pourra faire toutes les consultations à distance. On va penser que quelques généralistes par région suffisent. On va en former de moins en moins. C’est un cercle vicieux !

Georges Prouver qui on est. On nous impose le numérique pour prouver qui on est. Je fais des cauchemars parfois : disparaitre administrativement. On me retrouve plus : plus de numéro, plus de dossier, plus de traces de mon existence. Ça veut dire plus de revenus, plus de compte en banque, etc. Je ne suis plus rien.

Céline À l’hôpital on n’a plus de prise sur rien. Le personnel a un nombre de patients à « faire » par jour. S’ils ne respectent pas ça, ils se font taper sur les doigts. Le profit et la logique des entreprises privées deviennent présents partout. Il faut alerter sur la perte de compétence. Que faire face à une situation ? Avant on savait réagir face à un patient. Maintenant c’est l’ordinateur qui sait. C’est dangereux.

Najiha Moi, j’ai ma fille, elle m’aide. Mais elle va faire sa vie. Elle va pas rester avec moi tous les jours. Les enfants qui aident leurs parents, un jour ils vont faire une grève !

Art. 8.2

Toute tâche dépendant uniquement du numérique (programme, algorithme…) est interdite. Ceci afin de se protéger d’une déresponsabilisation, d’une ultra-dépendance à la machine, de perte de savoir-faire, de pertes de données ou d’attaques informatiques.

  • Investiguer autour des algorithmes, car absence de ressources au Parlement humain du numérique du 9 décembre 2022.

Voir aussi Art. 2.3, où vous pourrez lire l’interview de Merlin, chercheur en Intelligence artificielle, que nous avons interrogé suite à cette demande d’investigation.

Commentaires

Nadine

Je pense que les banques, leur préoccupation de tout temps a été de satisfaire les actionnaires. Elles sont elles-mêmes dans un engrenage et dépendantes de plein de choses. Je pense qu’on leur a demandé, à cause de la numérisation, de faire le travail de certaines administrations de contrôle, elles ont plein de protocoles. Donc ça les arrange d’avoir à numériser parce que toutes les tâches qui ne sont pas productives sont numérisées. Il y a très très peu de banques éthiques. Le monde bancaire est quand même très particulier. Il a oublié l’objectif final des usagers.

Olivier

Que devient une smart city dans un pays en guerre ? Les militaires d’ailleurs sont souvent contre les smart cities. Les militaires sont un peu des spécialistes de la « robustesse ». Ils savent que la guerre peut arriver. Que l’on utilise le numérique dans une vision à long terme, pourquoi pas ? Il peut faire partie d’une stratégie de diversification, qui permet d’être plus fort en cas d’accident à grande échelle. Mais attention, car comme il est performant le numérique écrase le reste. Il faut le remettre à sa place. Et si on veut du numérique permanent : alors il faut se doter de mines dans notre propre pays, des mines propres.

Comme je suis biologiste, j’ai envie de comparer cette survie à long terme, opposée à la performance de l’instant, avec un autre exemple caricatural : l’agriculture intensive. C’est une agriculture de la performance, récente hein ! C’est un modèle de 1945, donc vraiment un modèle post guerre mondiale. On annule les fluctuations en mettant engrais, pesticides et irrigation. Et il y a une forme d’addiction qui s’installe parce qu’on a un rendement énorme. Et maintenant on attend ce rendement énorme tous les jours. Sauf qu’en faisant ça, on appauvrit les sols, on appauvrit les campagnes, les paysans… Du coup on met encore plus d’engrais, etc. Une escalade infernale. C’est de la performance contre-productive à tous points de vue.

La version robuste c’est l’agroagriculture, l’agroécologie, la permaculture. Avec l’agroécologie on fait des rendements plus faibles, un peu, pas tellement que ça. Mais par contre on laisse l’écosystème s’autoréguler avec son hétérogénéité. Et avec ça on crée de l’autonomie active. C’est un système qui est beaucoup plus adaptable : s’il y a une grosse fluctuation, le système va tenir. Le mot autonomie est chargé. L’autonomie active, dans ma bouche, c’est pour dire : créer les conditions pour qu’avec ce qu’on a sur place, les compétences qu’on a sur place, on est capable de répondre à quelque chose qui est imprévisible. C’est ça l’autonomie active. Et ça veut dire qu’il y a des choses qu’on fait à l’instant T qui nous paraissent inutiles, du temps perdu, et qui en fait nous donnent des cordes pour répondre plus tard à quelque chose qu’on n’aura pas prévu. Donc c’est vraiment l’anti-taylorisme, l’anti-optimisation.