Article 8e

Les compétences humaines sont protégées, pour garantir la santé des citoyen·nes et la sûreté de l’État

Article en cours d’annotation

✏︎ ✐ ☻ ☹︎ Découvrez les témoignages, ça vous parle ? 𓆝 𓆞 𓂏 Puis lisez les propositions de loi (les alinéas). Avez-vous des modifications, des ajouts ?✁✁𓄀𓄀𓄀𓄀𓄀𓄀

Masques fabriqués pour la vidéo du 12 avril 2023

1. L’accès au soin peut-il dépendre du numérique de la technologie et de la temporalité du numérique ?

Georges
On doit organiser sa santé physique. On doit presque prévoir quand on va avoir mal aux dents. « Rendez-vous dans 6 mois ». Si vous avez un rhume, vous pouvez aller directement chez votre généraliste ? Mon frigo est rempli de vaccins. En attente d’un rendez-vous pour me les mettre dans les veines. La vie est devenue un voyage. Faire ses bagages. Préparer ses rendez-vous comme de grands départs.

Savannah
Je suis suivie dans une maison médicale qui fait des permanences sans rendez-vous, gratuites. C’est vital.

Rivet
Je veux parler du rapport soigné-soignant. Si on doit formuler des lois sur le numérique je pense que c’est très important. D’abord il faut protéger l’éducation du patient, car les relations avec les soignants sont toujours potentiellement dangereuses. La santé est peu compatible avec la numérisation, surtout avec l’autorité que lui donne.
Dès l’accueil j’ai été mal aiguillé par les redirections préprogrammées (avec des codes). Il est nécessaire de préserver ce moment humain avec un avis de pré-diagnostic qui soit basé sur un face-à-face.
Cela m’inquiète beaucoup. Le dossier médical risque de faire loi par rapport au médecin traitant.

Art. 8 Alinéa 1

Voir Acte I Article 1er :

§ Garantir un accès humain et direct aux soins, et un numéro de téléphone avec un temps d’attente limité

§ Il est de la responsabilité de l’institution de proposer des alternatives à toute personne qui ne sait pas utiliser les outils numériques, et pas l’inverse

2. Est-ce que n’importe qui peut décider de remplacer un travail ou un service d’un humain par celui d’une machine ? Quelles sont les conséquences pour la collectivité ?

Alex
Je suis cuisinier. On peut pas devenir tous des robots, j’y crois pas. Il y a des choses que les robots ne pourront jamais faire. Le chantier par exemple ou la cuisine c’est pas possible de nous remplacer. Et puis voilà les robots jusqu’à présent font des petits trucs, pas l’essentiel. Aussi moi je pense qu’il y aura une fin à tout ça, on est en train de détruire la planète. Ça ne pourra pas continuer longtemps toute cette technologie.

Philippe
L’ordinateur fonctionne avec un principe binaire : positif ou négatif. Oui ou non. Choix binaire. Résoudre se fait toujours par case.
Point de vue santé, on a une pratique très occidentale : on n’analyse pas la personne en entier, mais organe par organe. C’est très différent dans la médecine asiatique par exemple.

Annaëlle
La numérisation déshumanise les gens, on ne connaît plus vraiment l’autre. Il devient un dossier. Le fait de voir les gens comme des numéros de dossier cache la souffrance de la personne qui n’a plus la possibilité de s’exprimer. Nous avons besoin de contacts déjà pour le bien-être mental de chacun. En rencontrant la personne, cette dernière pourra essayer d’exprimer ses besoins, mais nous, en tant que travailleurs sociaux, nous pourrions aussi tenter de comprendre, reformuler leur demande et ainsi trouver d’autres aides que nous pourrions lui apporter, chose que l’on ne fera pas en recevant juste un mail (si la personne peut envoyer ou non ce mail).

Sarra
Il y a un clair impact du numérique sur la santé mentale de notre public : stress, frustration, frein à l’accès à leurs droits, notamment l’aspect financier. Ça commence par un revenu bloqué. Puis c’est l’engrenage : loyer, nourriture… Pour moi c’est être H24 au téléphone. Nous-mêmes on est démuni, on peut essayer par téléphone ou par mail, mais on peut plus aller surplace.

Anaïs
Avec le confinement, à mon travail, on a commencé à faire beaucoup de choses en visio, à numériser les dossiers… Il y a plein d’infos qui ne sont pas numérisées car elles n’entrent pas dans les cases. La passation d’information est devenue très difficile. Notre équipe a explosé. J’ai quitté ce travail.

Ma maman a une tendance à faire des embolies pulmonaires. Mais ça n’a jamais été encodé dans son dossier. Un jour elle a été aux urgences. Il n’y a eu aucune passation d’information. Les médecins ont préféré croire le dossier non complet plutôt que ce qu’elle disait. Ils l’ont laissé rentrer à la maison en disait qu’elle faisait une crise d’angoisse. Elle est morte le lendemain.

Céline
À l’hôpital on n’a plus de prise sur rien. Le personnel a un nombre de patients à « faire » par jour. S’ils ne respectent pas ça, ils se font taper sur les doigts. Le profit et la logique des entreprises privées deviennent présentes partout.

Il faut alerter sur la perte de compétence. Que faire face à une situation ? Avant on savait réagir face à un patient. Maintenant c’est l’ordinateur qui sait. C’est dangereux.

Célestine
J’ai pris rendez-vous avec un médecin. Le jour du rendez-vous arrive et on me prévient qu’il ne se passera pas chez le médecin, mais par zoom. J’étais fâchée déjà, comment on se permet de changer sans prévenir ? J’ai pris un rendez-vous en vrai, je n’ai pas demandé de visio ! Mon médecin m’appelle et là l’échange me pose beaucoup de questions. Les médecins sont déjà des gens qui ont beaucoup de pouvoir et ce n’est pas facile de prendre du recul sur ce qu’ils disent. Mais là en plus par écran interposé, je sens … que je ne le sens pas, c’est comme si on m’a enlevé mon feeling, mon pouvoir de le juger et de lui faire sentir ma présence, mes limites.

Cédric
Avec l’assistante sociale ici au foyer, en 2 semaines de démarches j’ai rattrapé 6 mois de galère. On aurait besoin d’avoir accès à des minis-justiciers, des justiciers de poche pour nous aider à mieux être perçus et mieux être compris. Moi mes galères ont vraiment tourné autour de problèmes de communication. Pour des trucs formels, une histoire de rendez-vous, quelqu’un qui sonne et on lui ouvre pas, un avis, ça s’est enchaîné. Moi j’ai rencontré des humains ce n’était pas du numérique, mais ces humains on pas pris la peine ou le temps d’essayer de me comprendre. Ils voulaient que je parle leur langue, mais moi je savais pas ce qu’ils voulaient. Je me suis retrouvé à la rue, avant 20 ans. Ici l’assistante sociale m’écoute, elle prend son temps et voilà les choses avancent vraiment. J’imagine pas ce que tout ça aurait été avec le numérique en plus. Ça aurait été encore pire. On dit qu’il faut créer de l’emploi, mais les gens tout ce qu’ils ont besoin c’est des humains qui ont du temps ! Pourquoi on crée pas des centres pour aider les gens ? Quand on est dans la merde croyez-moi on est puissamment dans la merde. Je viens d’ici, je suis belge depuis 4 générations et je suis tombé dans les mêmes merdes que ceux qui arrivent d’autres pays vivent. Et moi j’ai les codes au moins. Ouais on pourrait bien inventer d’autres sortes de métiers qui seraient bien utiles.

Art. 8 Alinéa 2

Les compétences humaines doivent être protégées, le numérique ne peut pas remplacer l’expertise humaine afin de protéger la qualité des services

§ Les temps de rencontre réelle et de qualité sont obligatoires pour avoir le droit d’exercer un service à la personne (pas de consultation médicale par téléphone ni de visioconférence généralisée). Il faut dans la mesure du possible que le suivi médical soit mené par la même personne.

§ La communication des informations en face à face est reconnue comme ayant une autre valeur que celle en numérique. Elle est le fondement de la communication et le numérique arrive en complémentarité. Elle permet un échange qualitatif complexe. Par exemple une adaptation du langage en fonction de l’interlocuteur.

§ Le maintien du lien avec le client ou le terrain est reconnu comme un droit également pour le·la travailleur·euse, car cela permet de garder le sens de son travail.

3. Qu’est ce que ça fait de ne plus voir en vrai des personnes qui ont un pouvoir sur nos vies : nos professeur·es, patron·nes, médecins, … ? Est-ce normal ?

Amine
Durant une permanence avec un psychologue de proximité une bénéficiaire a parlé durant toute la séance d’une difficulté rencontrée avec un centre de e-learning et me l’a confié. Sa difficulté la hantait de le fait de ne pas pouvoir avoir accès à un responsable du e-learning l’angoissait plus longuement, me confiait-elle. Cette difficulté a accentué sa précarité (sémantique du psychosociologue). Elle participait donc de moins en moins à nos activités. Elle passait donc d’une exclusion sociale à un début d’auto-exclusion dû à une non assistance.

Cédric
Y a une sélection des humains entre eux. J’étais à la rue, je devais vraiment trouver du taf. Le KFC m’a proposé un poste comme intérimaire mais présenté comme un CDI adapté. Les commandes ont faisait tout ça par ordis. Moi ça allait parce que quant tout est cadré ça me convient bien. Mais beaucoup de mes collègues savaient pas trop bien comment faire, du coup on discutait entre nous tout le temps pour trouver les bonnes touches. Y en a plein qui se sont fait virés parce qu’ils y arrivaient pas. J’ai vite compris que j’étais le seul employé, tous les autres étaient des étudiants. 5e semaine ils m’ont pas envoyé d’horaire. Ils m’ont tej. Être un bon employé ça suffit pas, faut la rentabilité de l’entreprise. Ils auraient du me dire cash : c’est pour 2 semaines, après on te jettera. J’aurais pu retomber sur mes pieds. On te dit « On aura besoin de toi, donne toi. » Et toi comme un con tu le fais. Puis on te vire comme ça, sans même te le dire. J’ai appeler la centrale, ils m’ont passé quelqu’un d’autre. Ils savaient que j’étais viré mais il me refilaient au téléphone. Le numérique nous a rendu nous-même numérique, et ça c’est répugnant.

Roger
Le numérique est utilisé pour décourager dans les démarches. Si on a pas de réponse à un courriel, ou parfois on ne nous donne pas la possibilité de répondre à un courriel.

Art. 8 Alinéa 3

Tout employé.e/étudiant.e/patient.e/client.e a le droit d’exiger de voir en face à face un.e responsable sur un lieu physique.

4. Est-ce qu’on fait trop confiance au numérique ? Si on lui permet de gérer des parties entières de nos vies, de remplacer les savoirs-faires humains, est-ce qu’il y a un risque de non-retour ? Est-ce qu’il y a un risque que le numérique nous rende plus faibles plutôt que plus forts ?

Adèle
Il y a le virus dans le corps mais aussi le virus informatique. Quand on informatise le système d’un hôpital, c’est un gros risque. Le hacking est une réelle menace, un outil puissant et dangereux.

Georges
Prouver qui ont est. On nous impose le numérique pour prouver qui ont est. Je fais des cauchemars parfois : disparaitre administrativement. On me retrouve plus : plus de numéro, plus de dossier, plus de trace de mon existence. Ça veut dire plus de revenu, plus de compte en banque, etc. Je ne suis plus rien.

Art. 8 Alinéa 4

Tout service dépendant uniquement du numérique (programme, algorithme …) est interdit, ceci afin de se protéger d’une déresponsabilisation, d’une ultra-dépendance à la machine, de perte de savoir-faire, de pertes de données, d’attaques informatiques et de dérives idéologiques.

§ Investiguer autour des algorithmes, car absence de ressources dans l’assemblée.

5. Comment gérer les mises à jours continuelles, le progrès exponentiel ? Au travail ? Dans notre intimité ?

Jessica
L’automatisation dans le travail génère du stress. J’ai bossé dans une grosse librairie. A un moment tout le système a été changé très rapidement. Il y avait des bugs, le stress du covid, le stress de pas comprendre, d’être incompétent. On avait moins de contact client. Cette période reste en moi en nous les employés, comme quelque chose d’assez traumatique. En rentrant le soir à la maison, le stress reste. On a reçu aucune considération de la part de la direction.

Ahmad
Le système numérique fait des dégâts. Avant je travaillais comme technicien dans une usine de chimie. Avant 2000, on avait des machines analogiques, facile à maitriser. Petit à petit les machines se numérisent. On a eu des formations, mais ce n’était pas approfondi. On n’avait pas le droit à l’erreur. Sous prétexte qu’économiquement ça leur coûte. Le stress montait, certains tremblaient. 500 personnes travaillaient dans ce secteur quand j’ai commencé. Progressivement des personnes ne géraient plus les nouveaux systèmes ou programmes. Ils ont été virés. Puis de plus en plus de stress, de malades. Puis le Covid. On est resté 20 personnes. 20 sur 500 ! Certains sont tombés malades mais continuaient. Pour d’autres psychologiquement ça n’allait pas, mais ils continuaient. Ils ont commencé à voir un médecin neurologue ou un psychiatre. Maintenant je ne suis plus là, je ne sais pas ce qui s’y passe. Aujourd’hui les personnes sont remplacées par des machines : à la STIB, la SNCB…On va avoir de plus en plus de difficulté pour résoudre les problèmes.

Art. 8 Alinéa 5

L’adoption d’un nouveau programme ou outil numérique au travail doit être réglementée, car l’automatisation et les mises à jour proposées à un rythme exponentiel menacent la santé et l’économie des travailleur·euses.

§ Il doit être développé en collaboration avec les travailleur·euses qui devront l’utiliser et validé par ces derniers.

§ Il doit être adapté et accompagné de formation sur demande des travailleurs.

§ Un travailleur peut attaquer son employeur s’il lui impose un programme qui nuit à sa santé mentale ou physique.

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Extrait des discussions sur l’article 8e lors du Grand Comité Humain du 9/12/2022 :

Un député
Il y a une pression dans l’organisation qu’il faut prendre en compte. Oui c’est bien de co-concevoir les outils numériques. Mais en vrai le travail ce n’est pas la démocratie. Ça passe par de la contrainte et des rapports de force. Les gens essayent de se mobiliser, mais c’est de plus en plus difficile.

Une rapporteuse
Pour cela le dernier paragraphe qu’on vient d’ajouter est essentiel, c’est le plus fort pour défendre la santé : le ou la travailleuse doit pouvoir contre-attaquer si ses droits sont bafoués.

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